L'odeur douce et sucrée de la farine de coco: récit d'une enfance en Martinique de Jean-Pierre Asselin de Beauville

Dans cette chronique d’une enfance aux Caraïbes, on s’immerge intimement dans l’univers savoureux et intense de la Martinique au temps des débuts des Trente Glorieuses (années 1940 et 1950). Un univers disparu, révolu, parti au vent… On le voit ici revivre. Tout le dispositif culturel y est, solidement en place et déployé tout naturellement. Les espèces halieutiques, les aventures pharmaceutiques, les innovations culinaires, la vie sociale et les grands paramétrages sociologiques, la navigation de besogne et de plaisance, la musique et les boums, les petits et les grands métiers, la résistance sourde et tendue au colonialisme métropolitain, Aimé Césaire... Sans oublier les dangers. Dangers sur mer et sur terre, dangers sur les toits, sur les piles de cageots de bois et dans les sites désaffectés où ces jeunes gaillards écervelés vont s’amuser, dans l’insouciance la plus flamboyante. Animaux venimeux, poissons dentus ou hérissés de piquants. Embarcations chambranlantes. Naufrages improbables. Filets de pêche emberlificotants. Cyclones tropicaux. Marigots suspects. Sites miniers ou militaires non sécuritaires. Ces enfants qui se jouent de tout, en toute innocence, au milieu du siècle dernier en Martinique, nous en font voir de toutes les couleurs.

Précis, disert, mais aussi méthodique et limpide, Jean-Pierre Asselin de Beauville arrive à nous fournir, grâce à son écriture sobre et magnifiquement tempérée, une expérience de lecture qui saisit et charme en même temps. Tout en détenant une très solide dimension ethnologique, le propos parvient à balancer harmonieusement toutes les particularités fines d'une aventure qui apparaît originale et dépaysante, surtout pour un lecteur occidental. Cette farine de coco est un délice de tous les instants. À lire absolument.


Première diffusion : 18 avril 2023
Poids : lourd | Prix sur 7switch : 4,99 € - 6,49 $ca | Collection : Essais et témoignages
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ISBN: 978-2-924550-75-5


Extrait 1 :

Nous avions plusieurs profs folkloriques (excentriques serait plus exact) au lycée. Un professeur de français résidait de l’autre côté de la rade de Fort-de-France et il venait travailler, chaque jour, en voilier. Il arrivait fréquemment que nos copies soient tachées par les gouttes d’eau de mer… Un professeur de Sciences naturelles s’endormait l’après-midi, la tête appuyée sur son bureau pendant les cours… Un professeur de mathématiques venait au lycée coiffé d’un casque colonial. Il posait son couvre-chef sur son bureau et, pendant qu’il était au tableau en train d’exposer son cours, avec ma règle, je soulevai le casque qui bougeait dans tous les sens au grand amusement de la classe…

Extrait 2 :

Mon frère et moi, nous nous sommes approchés et c’est alors que j’ai aperçu un gros poisson rouge emmêlé dans les mailles du bas. Il était visiblement mort, car il ne bougeait pas. J’ai décidé de plonger le chercher et j’ai donc donné à Kiki mon sac et mon fusil. Le bas du filet ne touchait pas le fond de la mer, ce qui était le signe d’une profondeur respectable. Effectivement, le poisson se trouvait assez loin de la surface et je ressentais la forte pression de l’eau dans mes oreilles. Je commençais à démêler le poisson du filet, mais l’opération s’avéra plus difficile que prévu, si bien que je ressentis le manque d’air. Alors que je cherchais à aller plus vite, l’écrou de fixation de la vitre de mon masque s’accrocha à une maille. Sentant que j’étais retenu et à court d’oxygène, je fus pris de panique. Je lâchai tout et commençai à me débattre en tous sens pour me sortir de ce mauvais pas. Pendant un très court instant, j’ai pensé que je mourrais noyé, enroulé dans ce filet. Heureusement, mes mouvements désordonnés ont arraché le masque de mon visage et, libéré, je pus remonter à la surface…


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