sans majuscule, un recueil de poèmes de Thierry Noiret

Il y a dans la poésie de Thierry Noiret une recherche de dépouillement, une aspiration à la liberté, une fraîcheur textuelle. Dépouillée, son écriture reste articulée et cons-truite, sans pour autant négliger la dimension automatiste susceptible de se manifester ici et là. Si les majuscules sont abandonnées, en un geste rituel assumé, c'est notam-ment pour éviter d'établir des distinctions normatives qui découleraient de conventions orthographiques héritées plutôt que de priorités plus intimes et plus concrètes, émanant du texte même ou des souvenirs qui y affleurent. Se verbalise ici le flux textuel, le jeu des rythmes, l'organisation chantante des thématiques. Le tout se fait avec naturel, une sorte de paix des sons et des sens. Au fil de la lecture, on sent s’amplifier le sentiment de découvrir un texte à la fois pur, simple, net, frais... mais aussi profondément vécu et mûri. De toute beauté.


Première diffusion : 28 février 2024 ; Poids : moyen ; Collection : Poésie
Prix sur 7switch : 3,49 € - 4,99 $ca 
Acheter sur : 7switch | iTunes | Amazon.fr | Amazon.ca | Kobo | etc.
En version papier, l'ouvrage est disponible sur Amazon, notamment sur Amazon.ca
ISBN : 978-2-924550-82-3


sans ponctuation ni majuscule

sans ponctuation ni majuscule

              bien évidemment

puisque nous n’y sommes pas

              n’y vivons pas

              encore

puisque de la grammaire

              nous avons largué

              les amarres


puisque cela parle du temps



II- le poème n'est pas fiction

le poème n’est pas fiction

il parcourt la ville

trace les rues défriche la canopée

il raconte les ancêtres

les héros les baladins

le poème parle à la femme

ou de la femme

de l'autre femme surtout

celle qu'on tente de cacher


le poème est un drame

où l'horizon sans prévenir

disparaît ainsi les nuages

à notre dernier soupir

la vie est un drame


enfant j'ai vécu ce jour là

l'on voyait jusqu'à l'autre

              bout du monde

et qu'y voyait-on


un homme battant la mer

d'un long fouet à sept branches

              à sept queues

et toute sa rage il la passait

mais ne savait plus pourquoi


ne jamais se retourner

regarder en arrière

tomber face à face

sur ce mur si haut perché

              qui nous ronge

les souvenirs les plus chers

              trop paresseux

ce mur pour s'écrouler


qu'y voyait-on encore


un sot tentait en vain d'arrêter

              son propre geste

un je-ne-sais-quoi de répréhensible

peut-être juste s'ébouriffer

              les souvenirs


un quidam rongeait un quignon de pain

un quidam avait de l'or dans les yeux

              mais pas de miroir


le pain et l'or

quel matériau autre

mérite l’éternité


le pain nourrit et renaît

chaque matin chez le boulanger

              l'or est l'or

doré comme l'épi de blé


un homme tentait de poser son pied

              sur la terre ferme

éviter les plages

le sable ça pollue les chaussettes

le goudron se répandait partout

il posait l'autre pied vite avant

que ses lacets ne révèlent

le fin mot de l'histoire


le poème se lève et s'en va

sans repousser sa chaise

il y aura bien un lecteur studieux

pour tout remettre en place


aujourd'hui le bibliothécaire claque

la porte échappe ses clés

oublie la consigne de silence

que va-t-il rester de mon livre

              sur ce pupitre

ouvert à la page de demain


Revenir en haut de la page