Quarante coquillages de Méditerranée, un essai d'Allan E. Berger
Le petit précis que vous allez lire est à la fois un ouvrage savant et un ouvrage folâtre. L’ouvrage est savant parce qu’il nous met en contact avec les brèves mais solides fiches descriptives illustrées de quarante-quatre coquillages méditerranéens dont on découvre les principales caractéristiques, l’aire de répartition, les origines, les "inventeurs" (inventorieurs) antérieurs et j’en passe. L’ouvrage est folâtre parce qu’il nous fait rencontrer un captivant voyageur à la fois physique et cum libro qui nous entraîne en sa compagnie dans la quête de sa passion.
Il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste pour tirer un vif plaisir de ce petit ouvrage et des activités qui l’engendrèrent. La beauté subtile et immémoriale de ces objets, si joliment photographiés par l’auteur, et leur histoire passionnante vous placeront dans la position du dilettante qui est attablé dans un bastringue et qui déplore que le jazz gig soit si court et si véloce… Et, tuyau : le texte est aussi parsemé de savoureuses anecdotes de beachcomber et de chercheur de coquilles.
Première diffusion : le 14 juillet 2014 ; Poids : moyen Collection : Essais et témoignages
Prix sur 7switch : 3,49 € - 4,99 $ca
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ISBN : 978-2-923916-82-8
Structure de l’ouvrage
- Préface de Paul Laurendeau
- Une série de questions à Berger
- Les témoins du temps long
- Quarante-quatre coquillages
- Références bibliographiques
- Autres sources utiles
- Postface : sous les falaises
- À propos de l’auteur
Murex forskœhlii Röding, 1798
Cette espèce spectaculaire vit dans le Golfe d’Oman et en Mer Rouge, où elle est souvent assez malingre. Elle a passé le canal de Suez il y a un siècle. Elle est arrivée en Israël en 1932, puis au Liban en 1938. Toujours rare, mais plus heureuse du climat méditerranéen que de celui de la Mer Rouge, l’espèce a gagné en taille et en robustesse. Elle a même gagné en couleur puisqu’une certaine tendance au mélanisme a fait son apparition, ce qui ne s’était jusqu’alors jamais vu.
Les exemplaires illustrant cet article proviennent d’un legs effectué grâce à l’entremise du professeur Eduard Heiman, d’Israël, par monsieur Victor Yerenburg, scientifique, au bénéfice de monsieur Berger, écrivaillon à ÉLP. Leur provenance est donc garantie. Les deux ci-dessus viennent d’une remontée de filet au large de Kiryat Yam, au nord de Haifa, sur fond sableux. 80-82mm.
Le spécimen ci-dessus, qui provient de la même zone, fait 93 mm. La forme méditerranéenne, qui est robuste avec des épines plus courtes que dans le Golfe d’Oman, a fait, devinez quoi, l’objet d’une publication visant à établir la naissance d’une sous-espèce locale : forskœhlii mediterranea Kovalis & Korkos, 2009. On sait ce qu’il faut penser de ces déclarations.
Un extrait d’interview
Des conchyliologues je n’en connais que par correspondance. Ils m’alertent sur une erreur, me donnent une coquille, me demandent la traduction d’un article ou me supplient de leur filer un spécimen pour leurs études. On s’envoie des bêtes et des messages, des images et des questions. Je questionne beaucoup, ils répondent beaucoup. J’ai de bonnes relations avec le Museum d’Histoire Naturelle de Genève ; un mien camarade, collectionneur et conchyliologue amateur, est en très bon termes avec le Museum d’Histoire Naturelle de Paris. Nous avons nos sources ! Quant aux collectionneurs, les profils sont très divers. Je fournis en ce moment du sable coquillier à un ami allemand qui adore en extraire les centaines de petites espèces ; avec un pinceau fin, une bonne loupe et quelques sachets, un bon saladier de shell grit fait passer l’hiver de la plus tranquille des manières. Un autre camarade m’envoie des images pour mon atlas en ligne. Un troisième m’inonde de ses trouvailles, et je lui envoie en retour un paquet de ce que j’ai reçu d’un autre côté et qui me semble devoir l’intéresser. Un quatrième ne saurait concevoir son existence sans écumer telle famille de A jusqu’à Z, et doit impérativement produire les tous premiers articles à chaque nouvelle découverte vraie. Il possède chez lui plusieurs centaines de milliers de spécimens de cette seule famille, et il est co-auteur des ouvrages de référence qui s’y rapportent.
Par ailleurs, comme je me sépare souvent des coquillages que j’ai en trop en les exposant sur un site de vente aux enchères, j’ai pu faire la connaissance de divers types d’acheteurs. Il y a celui qui a aussi peu de sous que moi, et qui établit ses commandes avec les soins les plus minutieux. Il y a ceux qui, loin de tout souci financier, désespèrent le monde en posant une enchère qui écrase tout dès le début, bien certains qu’une bonne outrance clôt toujours le bec à la concurrence. Quand deux de ces fauves s’empoignent, le vendeur peut s’attendre à faire un joli gain. L’un de ces grands acheteurs entasse les paquets qu’il reçoit, et m’avoue n’avoir pas le temps de les ouvrir – il anime une émission sur une chaîne de télévision dans le Benelux, ce qui explique sa vie trépidante. Avec beaucoup de ces gens je noue des relations d’amitié ou de camaraderie, basée sur l’estime : leurs études et leurs amours sont respectables, harmonieuses, éclairées et sereines. Ils sont fertiles et m’aident souvent dans mes identifications. Les compulsifs sont rares, et on essaie en général d’établir des circuits parallèles pour éviter qu’ils se manifestent et interceptent.
Quant au lectorat rêvé du présent ouvrage, j’imagine avec plaisir qu’il s’agit d’un jeune humain qui, ouvrant au hasard les titres de ce fichier, tombera en arrêt devant une coquille qui lui parlera et lui chuchotera les mille promesses, qui toutes seront tenues, que la mer offre à celles et ceux qui la regardent avec les yeux d’enfants du vieux pêcheur dont il est question dans la postface.